L’article fort intéressant du Prof. Albert Bensoussan intitulé "Les Marranes ou la Mézouza absente" publié sur le site “Terre d’Israël” ,m’a fait penser à un autre type de Marranes que j’ai découvert en Equateur et qui eux, fiers de l’être, affichaient ouvertement et d'emblée leur ascendance juive.
Cela a commencé lors d’une visite protocolaire au Gouverneur de la Banque Centrale (de l’époque, en 1985) qui, au sujet de son prénom Emmanuel, me dit : "Comme vous le savez, cela signifie "Dios con Nosotros" (Dieu avec Nous).Je suis Séfaradita….C’est ainsi que l’on nomme chez nous les juifs convertis (los Judios conversos)".
Il m’offre alors un livre édité par la Banque Centrale sur les grandes familles équatoriennes de "Juifs convertis".Une très grande partie de la « haute société » du pays y était incluse.
L’explication à cela est qu’au début du 16ème siècle l’Equateur était un centre religieux important que l’on nommait alors "Audiencia de Quito", dépendant du Vice Roi qui siégeait au Pérou et donc quelque peu en marge de l’emprise des Autorités espagnoles.
Pour cette raison le système de l'Inquisition n'y était pas encore établi comme au Pérou ou en Colombie. Cet état de fait a attiré en grand nombre des Marranes qui fuyaient l'Espagne et le Portugal et qui, prenant en mains à leur arrivée la direction du Pays, veillèrent à ce que le système de l'Inquisition ne soit pas actif dans l'Audiencia de Quito.
En effet dans la vieille ville de Quito existe un bâtiment dit "de l'Inquisition", avec tous ses équipements de torture, mais qui n'a jamais été en fonction, ayant toujours servi de Musée historique et artistique .
On comprend par-là, l'ouverture des Marranes en Equateur (les Séfaraditas) de parler de leur origine juive et d'expliquer certaines traditions familiales qu'ils ont conservées pour cette raison. En voici quelques-unes qui m'ont été contées :
-Certaines familles veillent à faire à l'entrée de leur maison sur le chambranle à droite, un sillon de quelques centimètres creusé dans le bois ou la pierre, symbolisant clairement l’emplacement de la "Mézouza absente".
-D'autres ont l'habitude, les vendredis soir, de mettre sur le coin des tableaux de la salle à manger, une bande de tissu. On m'a expliqué que cela était un vestige d'une vieille pratique de recouvrir d'un tissu les tableaux qui, représentant à l'époque surtout des thèmes chrétiens, "gênaient" lors du Kiddoush clandestin.
- La femme d'un Ministre chez qui on déjeunait un vendredi soir m'expliquait en allumant le chandelier sur la table que normalement c'était la servante qui le faisait ….mais le vendredi soir, c'était elle, la maîtresse de Maison qui devait le faire .Son mari,ajoutait que dans sa famille , la maîtresse de maison devait en plus tenir le chandelier au bas de la table pour l'allumer.
-Alors que je rentrais avec le Commandant des Forces Aériennes équatoriennes dans une Eglise à l'occasion d'un mariage auquel nous étions invités, je l'entendis murmurer en faisant le signe de la croix,"nuestro corazon puro" (notre cœur est pur).L'interrogeant sur cela il me dit que c'est une tradition dans sa famille, on ne fait pas le signe de la croix sans prononcer ces paroles.
-Une fois au terme de l'office de Kol Nidrè à la Synagogue de Quito, le Président de la Communauté juive me présenta deux Equatoriens non juifs qui y assistaient également. Ces derniers m'expliquèrent que c'était chez eux une tradition familiale d'assister chaque année à cet office comme "acte de solidarité avec la communauté juive"....Ils étaient Séfaraditas.
Voilà ce que j'ai, entre autres, gardé en mémoire de mes rencontres avec les Séfaraditas en Equateur, rencontres intéressantes et chargées toujours d’une certaine émotion. A ma question de savoir la raison de leur fierté de déclarer d’emblée leur origine, Théodore Crespo, un ami proche, lui-même d’ascendance juive convertie, me répondit une fois avec humour: "Vous savez ici en Equateur on est soit d'origine indienne soit d'origine juive….alors évidemment des deux"maux"… la préférence est claire !"
Z.T.
Dr Zvi Tenney Ambassador of Israel (ret)
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